Sombre rituel

Il court, halletant. Le sol humide d’automne, de mousse, de feuilles et d’humus, dévale sous ses pas, alors que tout son corps, toute son âme, est concentrée vers un seul et même objectif. Fuir. Fuir pour épargner sa vie, sa liberté, fuir la horde pépiante, hurlante, lancée à ses trousses.

Contournant un sinistre rocher, prenant un virage court, il glisse, visage contre terre, trempé par l’humidité des sous bois, les vêtements froids et mouillés lui collant à la peau, oppressants, il tente de se relever, glisse à nouveau, impuissant, reprend pieds et sa course effrénée dans un nouvel effort. Ils gagnent du terrain. Ils vont l’avoir.

Une idée, vite. Un moyen de leur échapper. D’être épargné du funeste destin qu’ils lui prévoient. Par tous les Jotuns, une échappatoire. En rampant, il s’engouffre dans le mince boyau s’ouvrant au milieu de la terre ocre. Une cachette, un abri, un terrier, l’odeur âcre de la terre trempée le prend à la gorge, il rampe, cachant son corps fatigué au creux de cette aide inespérée.

Le souffle chaotique, il tente de réprimer le moindre de ses mouvements, d’étouffer le plus infime des bruits, alors que résonnent dans cet antre providentiel les bruits de pas de ses poursuivants, courrant au-dessus de sa tête. Ne plus respirer, ne pas leur donner le moindre indice de sa présence, son avenir en tient à ces conditions. S’ils le retrouvent, il est fichu.

Le calme, le silence. Ils sont partis, passés sans le trouver, le poursuivant toujours plus loin. Depuis combien de temps ? Jusqu’à quand doit-il rester ici ? Une heure, un jour ? Comment mesurer le temps alors que l’on se tient, recroquevillé, au cœur des ténèbres étouffantes, de la terre et l’humus fétide, que chaque instant paraît une heure ? Soudain, une brise chaude, pestilentielle, souffle le long de sa jambe. Une haleine. Il est fichu. Maudits chasseurs et leurs saletés de bestioles dressées. Il ne peut plus fuir désormais. La sombre, terrible cérémonie va pouvoir avoir lieu.

Le prêtre, au regard inquisiteur vrillé sur lui, au rictus sadique barrant tel une balafre son visage ridé, lève ses bras aux ciels, implore ses dieux perfides, et prononce d’une voix stridente les dernières paroles du rituel.

- Cavoumaintenantmariésdevantlesdieux, sisisi, çapasserrestantdevieàs’occuperdejolieparfaitekobolde, etsurtoutdeçapetitsmignonskoboldios...


INDEX ORIGINEL

Récit murmuré par Nof Samedisthjofr le 04/09/2002