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Duel II
Dominant le val, les mages se tenaient sur les hauteurs opposées, laissant l’herbe s’incliner sous les légers souffles du vent frais matinal, une bruine de rosée enveloppant la plaine. Le premier choc fut celui des regards. Un d’entre eux devait mourir. Chacun allait exprimer le savoir millénaire de son peuple, le canaliser sous sa forme la plus pure, et la moindre erreur serait fatale.
Il leva les bras d’un geste sec, les plaçant dans la position mille fois répétée. Les manches amples de sa robe aux couleurs vives et terrifiantes claquèrent tels des fanions funestes, et il campa fermement ses pieds dans l’herbe humide, dans la terre qui s’enfonçait sous l’appuis. Un rapide mouvement circulaire, et une flammèche embrasant la végétation à quelques mètres de sa cible.
Se cambrant, repliant son long corps enveloppé d’une simple fibre végétale, il remua ses doigts en une folle danse autour d’une sphère invisible au creux de ses mains. Un éclat d’argent tinta sur la protection de l’ennemi.
Son visage sec et dur se crispa. Ses yeux se révulsèrent. Sa bouche se tordit en une grimace démente. Son corps frêle et anémique tremblait en des spasmes furieux, et il ramena ses bras en arrière, les tordant le plus possible. Lorsqu’il les ramena violemment vers l’avant, une langue de feu balafra la plaine, enveloppant le mage adverse. Qui se contenta d’épousseter quelques braises retombées sur ses manches.
Ses yeux d’argent brillèrent de l’éclat sadique et suffisant de ceux de son espèce. Ses cheveux blancs de jeune centenaire ornaient son port altier tel une couronne. Sa langue fine siffla une série d’antiques incantations, et une sphère brillante, semblant être formée d’un millier de lames, se forma autour de lui. Un instant plus tard, elle fondait sur l’arrogant. Qui sourit. Une seule éraflure teinta sa joue d’écarlate.
Et les choses sérieuses commencèrent. Le mage de pourpre et d’azur en appela aux forces enfuies au cœur torturé de son île. Celui de vert et gris invoqua les forces primitives et destructrices de la nature primordiale. Le sol trembla, les arbres vacillèrent sous le choc des énergies magiques affluant de toutes la région. Leur esprit se concentrant sur la configuration de la formule, ils hurlèrent de concert, la colonne vertébrale chauffée à blanc par la mana les parcourant. Et le déluge les engloutit.
Une vague de feu parcouru la plaine, consumant la végétation sur son passage dans une acre puanteur de destruction, avançant, galopant vers l’eldritch, l’enveloppant sous sa gangue mortelle. Sa silhouette déformée par la chaleur, il s’effondra. L’atmosphère trembla autour du thaumaturge. Elle se troubla en une sphère bleutée. Puis, soudainement, se compressa comme l’un ballon que l’on perce, en une explosion sonore, en un choc destiné à briser la plus solide des armures. Et les plus déterminés des os. Il s’effondra.
Puis se relevèrent. Indemnes.
Aucun n’avait encore rencontré d’adversaire aussi puissant. Leurs sortilèges de protection avaient tout juste tenu le coup. Le prochain leur serait fatal, ils le savaient. Tout se jouerait sur cette passe. Alors, pour la victoire, les blasphèmes sautèrent. Les quatorze démons du Feu, enfermés et bannis par la Lumière dans les profondeurs infernales des abysses, furent invoqués. La magie sacrilège et profanatrice fut employée pour tirer de toute vie aux alentours la moindre goutte d’énergie. Les cantiques maudits par l’Eglise furent entonnés. Les formules susceptibles de briser le voile furent incantées. Leurs convictions furent reniées. Désormais, seule importait la mort de l’autre.
Le sol gronda. Se brisa. Sous l’attraction de la mana, des mottes d’herbes calcinées se désagrégèrent sous les vents magiques. Des voix stridentes, de créatures d‘autres mondes attirées par cette concentration de puissances, se firent entendre, à la limite de la réalité. Des flots de sang suintaient depuis leurs orbites révulsées, leur cervelle se liquéfiant sous la complexité des forces employées. Et, simultanément, leurs bouches s’ouvrire pour libérer le mot de pouvoir qui allait définitivement oblitérer leur ennemi.
Il s’effondrèrent, face contre le sol teinté de leurs fluides vitaux. Aucun ne se releva.
Les deux petits êtres traversèrent la plaine, et se serrent la main tout en nettoyant leurs lames.
- Cabienbeautoutça, maiçapavouloirbonnedaguedanledos, nonnonnon
INDEX ORIGINEL
Récit murmuré par Nof Samedisthjofr le 19/10/2002
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